Avocat : refus de déférer à la commission d’office et office du juge
Pénal - Pénal
28/05/2020
Le juge, saisi de poursuites disciplinaires contre l’avocat qui n’a pas déféré à une commission d’office, doit se prononcer sur la régularité de la décision du président de la cour d’assises rejetant les motifs d’excuse ou d’empêchement qu’il avait présentés pour refuser son ministère et porter une appréciation sur ceux-ci.
Comme le prévoit l’article 9 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, l'avocat régulièrement commis d'office par le bâtonnier ou par le président de la cour d'assises ne peut refuser son ministère sans faire approuver ses motifs d'excuse ou d'empêchement par le bâtonnier ou par le président.
Une personne interjette appel d’une décision le condamnant à 29 ans de réclusion criminelle pour assassinat. Lors de l’ouverture des débats devant la cour d’assises, ses avocats décident de se retirer de la défense de leur client, en accord avec ce dernier.
Après avoir commis d’office l’un de ses deux avocats, la présidente de la cour d’assises a, par ordonnance, rejeté les motifs d’excuse et d’empêchement invoqués par ce dernier pour refuser son ministère. Néanmoins, celui-ci a quitté la salle d’audience. Les débats se sont alors déroulés en l’absence de l’accusé et de son commis d’office. In fine, l'accusé a été condamné à 25 ans de réclusion criminelle.
La procureure générale près la cour d’appel de Douai a décidé de saisir le conseil régional de discipline des barreaux du ressort de la cour d’assises concernée pour engager des poursuites disciplinaires à l’encontre de cet avocat. En l’occurrence, elle lui reprochait de ne pas avoir déféré à la commission d’office et ce malgré la décision de la présidente de la cour d’assises.
Pour les juges du fond, le refus de cet avocat est constitutif d’une faute disciplinaire. Une position qu’il conteste, estimant « qu’en matière disciplinaire, l’arrêt qui se prononce sur des poursuites doit mentionner que la personne poursuivie et son avocat ont eu communication des conclusions écrites du ministère public et ont été mis en mesure d'y répondre utilement ; que l’arrêt attaqué, qui ne comporte pas cette mention, doit être annulé pour violation de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de l’article 16 du Code de procédure civile et des droits de la défense ».
Or, l’arrêt attaqué indique que le ministère public a déposé des conclusions écrites le 14 septembre 2018 et qu’à l’audience du 10 octobre 2018, les parties ont maintenu oralement leurs écritures. « En procédant ainsi, sans constater que l’avocat poursuivi avait eu communication des conclusions écrites du ministère public afin d’être mis en mesure d’y répondre utilement, la cour d’appel a privé sa décision de base légale » précise la Haute juridiction.
Le demandeur ajoute « qu’en se référant, pour « confirmer la décision de la présidente de la cour d'assises qui n'avait pas retenu les motifs d'excuse présentés par Maître X », à l’arrêt de la chambre criminelle du 24 juin 2015 ayant validé la procédure et à la décision du 19 mai 2014 ayant rejeté la requête en récusation sans se livrer à sa propre appréciation, la cour d’appel a méconnu son office, en violation de l’article 9 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, et de l’article 62 de la Constitution de 1958 ».
L’occasion pour la première chambre civile de rappeler que lorsque le président de la cour d’assises commet d’office à l’accusé un avocat, il demeure seul compétent concernant l’admission ou le rejet des motifs d’excuse ou d’empêchement que celui-ci invoque. Autre rappel : l’avocat persistant dans son refus, en dépit du refus du président de la cour d’assises d’admettre ses motifs, peut être sanctionné disciplinairement.
Cependant, la Haute juridiction précise que le Conseil constitutionnel, saisi d’une QPC à l’occasion de cette instance, a indiqué que « si le refus du président de la cour d’assises de faire droit aux motifs d’excuse ou d’empêchement invoqués par l’avocat commis d’office n’est pas susceptible de recours, la régularité de ce refus peut être contestée par l’accusé à l’occasion d’un pourvoi devant la Cour de cassation, et par l’avocat à l’occasion de l’éventuelle procédure disciplinaire ouverte contre son refus de déférer à la décision du président de la cour d’assises » (Cons. constit., n° 2018-704 QPC, 4 mai. 2018).
Selon la Cour de cassation il s’ensuit qu’il revient au juge, saisi de poursuites disciplinaires à l’égard d’un avocat qui n’a pas déféré à une commission d’office, de « se prononcer sur la régularité de la décision du président de la cour d’assises rejetant les motifs d’excuse ou d’empêchement qu’il avait présentés pour refuser son ministère et, par suite, de porter une appréciation sur ces motifs ».
En l’espèce, l’avocat invoquait l’animosité de l’avocat général, le calendrier de procédure établi sans consultation préalable des avocats de la défense et enfin, la volonté de la présidente de la cour d’assises d’éviter la présence des deux avocats choisis. Or, l’arrêt attaqué retient que ces arguments avaient déjà été rejetés « par l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 24 juin 2015, qui a validé la procédure à l’égard de l’accusé, de sorte qu’il y a lieu de confirmer la décision de la présidente de la cour d’assises de ne pas retenir les motifs d’excuse présentés par Monsieur X ».
Pour la première chambre civile, la cour d’appel n’a donc pas procédé à l’examen des motifs d’excuse ou d’empêchement dont se prévalait l’avocat. Ainsi, elle a méconnu son office.
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